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Tribunal des Activités Économiques : vers une justice économique unifiée et spécialisée

  • Photo du rédacteur: Marceau KIPFER
    Marceau KIPFER
  • il y a 7 heures
  • 3 min de lecture

Depuis le 1er janvier 2025, une expérimentation ambitieuse transforme en profondeur le traitement judiciaire des difficultés économiques des professionnels en France. Avec le lancement des Tribunaux des Activités Économiques (TAE), l’État amorce une réforme structurelle qui pourrait bien redéfinir l’accès à la justice pour les entreprises, professions libérales et acteurs du tissu économique.



1. Un constat d’éparpillement qui freinait l’efficacité

Jusqu’ici, la gestion des procédures collectives (redressement, liquidation, sauvegarde) et amiables (conciliation, mandat ad hoc) reposait sur une logique duale :


  • Les tribunaux de commerce étaient compétents pour les commerçants et artisans,

  • Les tribunaux judiciaires pour les autres professionnels, notamment les professions libérales, les agriculteurs ou les associations.


Ce partage de compétences, fruit d’un héritage historique, complexifiait inutilement l’accès à la justice pour les professionnels, surtout dans les situations d’urgence ou de vulnérabilité économique. Il créait également des différences d’approche, de délais et de jurisprudence, selon les juridictions concernées.



2. Le Tribunal des Activités Économiques : une juridiction unifiée

L’expérimentation des Tribunaux des Activités Économiques (TAE) vise à supprimer cette dualité. Douze juridictions volontaires sont concernées, parmi lesquelles Paris, Lyon, Marseille, Versailles, Le Havre ou encore Nancy. Ces TAE prennent en charge l’ensemble des procédures de traitement des difficultés économiques, qu’il s’agisse de commerçants, de professions libérales non réglementées, d’agriculteurs ou d’associations.


⚠️ Les professions juridiques réglementées (avocats, notaires, huissiers, etc.) restent sous la compétence exclusive des tribunaux judiciaires.


L’expérimentation durera quatre ans, jusqu’au 1er juillet 2028. Un rapport d’évaluation parlementaire est attendu à cette échéance, qui conditionnera une éventuelle généralisation du dispositif.



3. Une composition adaptée aux réalités économiques

Les Tribunaux des Activités Économiques se distinguent par une nouvelle composition hybride :

  • Juges consulaires, déjà expérimentés en matière commerciale

  • Juges professionnels ou spécialisés, notamment pour les dossiers d’agriculteurs ou de structures associatives

  • Greffiers avec des compétences élargies

  • Une gouvernance juridictionnelle rénovée pour plus de réactivité


Ce modèle vise à renforcer l’expertise sectorielle et à mieux comprendre les problématiques spécifiques à chaque type d’activité économique.



4. Quels enjeux pour les professionnels du droit et du chiffre ?

La création d'un Tribunal des Activités Économiques a plusieurs implications concrètes pour les juristes d’entreprise, les experts-comptables, les avocats spécialisés en droit des entreprises en difficulté ou en restructuring.


  • Clarification du parcours judiciaire : un guichet unique pour les procédures collectives ou amiables

  • Meilleure lisibilité pour les conseils d’entreprise qui pourront anticiper les délais et formalités

  • Montée en compétence sectorielle : la spécialisation croissante des juridictions impliquera une évolution du conseil juridique et financier



5. Un levier pour renforcer la prévention des défaillances

Au-delà de l’amélioration des procédures collectives, les TAE ambitionnent de jouer un rôle accru en amont, notamment à travers les procédures amiables.


  • Le mandat ad hoc ou la conciliation pourraient bénéficier d’un traitement plus confidentiel, plus rapide et mieux adapté, grâce à la compétence transversale du TAE

  • La fluidité du traitement pourrait inciter davantage d’entreprises à agir avant l’irréversibilité de la cessation de paiements


Aujourd’hui, plus de 50 % des procédures de redressement judiciaire en France aboutissent à une liquidation. Le renforcement de la prévention est donc un enjeu vital.



6. Quelle lecture pour les fonctions RH et les acteurs du recrutement ?

Le lien entre cette réforme judiciaire et les fonctions RH peut sembler indirect, mais il est fondamental :


  • Un traitement plus rapide des difficultés économiques favorise la sauvegarde de l’emploi,

  • Une meilleure visibilité sur les procédures juridiques permet aux entreprises de préserver leur attractivité employeur dans des contextes sensibles,

  • La réforme rappelle l’importance d’intégrer des compétences juridiques et financières en amont dans les organigrammes, notamment en période de transformation.



7. Une justice économique en mutation : vers une réforme systémique ?

Ce projet s’inscrit dans une volonté plus large de modernisation de la justice économique, qui répond à plusieurs tendances de fond :


  • Une hybridation croissante des statuts (auto-entrepreneurs, sociétés coopératives, freelances…)

  • Une accélération des cycles de vie économique (croissance fulgurante, défaillance rapide)

  • Une judiciarisation croissante des contentieux économiques, notamment liés aux restructurations, à la gouvernance ou à la responsabilité



Conclusion : un levier stratégique pour renforcer la résilience économique

L’expérimentation des Tribunaux des Activités Économiques ne constitue pas une simple réorganisation technique. Elle porte une ambition plus profonde : rendre la justice plus lisible, plus agile et plus proche des réalités économiques. Pour les dirigeants, les DRH, les juristes ou les financiers, c’est un signal fort de transformation, qui mérite d’être intégré à la stratégie globale de gestion du risque, de prévention des difficultés et de pérennisation des compétences.



🔗 À lire sur le site du Ministère de la Justice :

Photo d'un bâtiment Juridique

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