Manager : une ambition en pleine mutation chez les jeunes générations
- Marceau KIPFER
- 10 juil.
- 4 min de lecture
Pendant longtemps, accéder à un poste de manager représentait une forme de consécration professionnelle. Être « chef », c’était gravir les échelons, gagner en influence et acquérir de la reconnaissance, ce qui représentait une symbolique forte. Pourtant, les jeunes générations, millennials et Gen Z semblent de plus en plus réticentes à endosser ce rôle.
Selon une étude récente de Robert Walters, 52 % des professionnels de la Gen Z ne souhaitent pas devenir managers.
Ce chiffre interpelle autant qu’il divise. Les jeunes fuiraient-ils les responsabilités ? Ou bien est-ce la fonction elle-même qui mérite d’être repensée ?
En réalité, il ne s’agit pas d’un rejet du leadership, mais d’une transformation profonde de ses contours. Car ce qui est remis en cause, ce n’est pas l’envie de progresser, mais le modèle d’ascension proposé.
1. Une ambition toujours présente, mais autrement définie chez les Jeunes générations
Contrairement aux idées reçues, la Gen Z n’est pas moins ambitieuse que les générations précédentes. Mais elle redéfinit ce que signifie réussir sa vie professionnelle.
Selon le Baromètre Talents 2025 mené par EY et SKEMA, 96 % des étudiants interrogés expriment une volonté d’évolution professionnelle. Toutefois, cette évolution ne passe plus forcément par une prise de pouvoir hiérarchique. La réussite est aujourd’hui davantage associée à :
L’alignement des valeurs personnelles et professionnelles
La recherche d’impact dans ses missions
L’équilibre vie pro / vie perso
L’apprentissage continu plutôt qu’à la gestion d’équipe
En clair : la progression professionnelle est toujours désirée, mais le titre de manager n’en est plus la seule ni nécessairement la plus attractive incarnation.
2. Les véritables freins à la fonction managériale
Ce que les jeunes générations expriment, ce n’est pas un manque d’ambition, mais un rejet de certains effets néfastes du management tel qu’il est encore souvent pratiqué.
Trois freins principaux ressortent :
a) Une charge mentale sous-estimée
Être manager, c’est souvent devoir arbitrer, gérer des conflits, porter la pression des résultats… sans filet.
Pour 72 % des jeunes interrogés, cette pression permanente est jugée incompatible avec un bon équilibre de vie.
b) Un retour sur engagement jugé insuffisant
Entre l’écart salaire/responsabilités, le peu de formation au rôle managérial, ou encore le manque de reconnaissance, beaucoup ne voient pas d’équation gagnante à prendre ce risque.
c) Un modèle hiérarchique obsolète
Les organisations verticales sont perçues comme rigides, cloisonnées, peu agiles. Seuls 14 % des jeunes considèrent la hiérarchie classique comme encore adaptée au monde du travail d’aujourd’hui.
3. Un leadership à réinventer, pas à fuir
Le constat est clair : les jeunes ne rejettent pas la posture de leader, mais la manière dont elle est incarnée. Ils aspirent à d’autres formes de responsabilités, plus collaboratives et connectées à leur vision du travail.
Ce qu’ils recherchent :
Un manager-coach, qui accompagne plus qu’il ne contrôle
Une autorité distribuée, où la responsabilité est partagée au sein des équipes
Des missions porteuses de sens, dans des structures flexibles, transparentes et conscientes de leur impact
Cela demande aux entreprises une forte capacité d’adaptation, mais représente aussi une formidable opportunité de transformation culturelle.
4. Quels leviers pour les entreprises et les recruteurs ?
Pour répondre à ces attentes et continuer à faire émerger des talents, plusieurs leviers sont à activer : 1. Offrir des parcours de responsabilité alternatifs
Tous les talents ne veulent pas manager une équipe. Il est donc essentiel de valoriser les parcours experts, en offrant autant de reconnaissance et de progression que sur la filière managériale classique.
2. Former au rôle de manager… différemment
Le leadership ne s’improvise pas. Il faut préparer les futurs managers en les exposant progressivement à des rôles d’animation ou de coordination (ex : gestion de projet, mentorat, ambassadeur interne…).
3. Créer des organisations plus horizontales
Les jeunes sont sensibles à la transparence, au feedback régulier et à la possibilité de contribuer au pilotage collectif. Les modèles d’équipes agiles, les rôles tournants, ou encore les initiatives entrepreneuriales peuvent répondre à ces attentes.
4. Valoriser l’impact plus que le titre
Ce qui attire les jeunes, ce n’est pas d’avoir “le pouvoir”, mais de faire bouger les lignes. Les entreprises doivent reconnecter la fonction managériale à sa capacité d’agir, de faire grandir, de créer de la valeur humaine.
Conclusion : un défi de transformation, pas de rejet
Le statut de manager n’est pas mort. Il est en pleine mutation. Ce qui est remis en question, c’est un modèle dépassé, trop souvent associé à l’isolement, au stress et à une verticalité contre-productive.
Les jeunes générations posent une exigence salutaire aux organisations : faire du management un levier d’engagement, d’apprentissage et d’impact et non une fin en soi. Cela implique de revoir les parcours, les postures, et les représentations du pouvoir dans l’entreprise.
Pour les secteurs où les compétences managériales sont décisives, il ne s’agit pas de convaincre les jeunes de rêver à nouveau du management, mais de leur donner envie d’en réinventer les contours.




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