Assurance vie : comment les assureurs gèrent-ils le risque d'illiquidité des unités de compte ?
- Marceau KIPFER
- 18 juin
- 4 min de lecture
Introduction
Le marché de l’assurance vie est en pleine mutation. Portés par des politiques publiques incitant à financer l’économie réelle, les contrats en unités de compte (UC) intègrent de plus en plus d’actifs non cotés, comme le private equity ou l’immobilier. Si cette tendance répond à une double logique ; quête de rendement et soutien à l’investissement productif, elle soulève aussi une question centrale : comment garantir la liquidité des contrats dans un contexte de diversification accrue ?
À l’heure où les épargnants recherchent à la fois performance et sécurité, la gestion du risque d’illiquidité devient un sujet stratégique pour les assureurs, mais aussi un enjeu de transparence et de pédagogie.
1. Actifs non cotés : une diversification à double tranchant
L’intégration d’actifs non cotés dans les UC constitue l’une des principales évolutions des allocations d’actifs en assurance vie. Longtemps réservés aux investisseurs institutionnels ou aux contrats haut de gamme, ces supports sont désormais plus largement accessibles, y compris dans les contrats en gestion libre.
Les raisons de cet engouement sont multiples :
Rendements attractifs, dans un environnement de taux encore incertains ;
Décorrélation des marchés financiers traditionnels, apportant un effet stabilisateur sur le long terme ;
Contribution à l’économie réelle, en finançant entreprises, infrastructures ou projets immobiliers.
Mais ces actifs présentent aussi une caractéristique structurelle : ils sont moins liquides par nature. La cession d’un bien immobilier ou de parts de fonds de private equity ne peut se faire en temps réel, contrairement aux actions cotées. En cas de demande massive de rachats de la part des assurés, les assureurs pourraient ne pas être en mesure de répondre rapidement, d’où la nécessité de mécanismes préventifs.
2. Une réponse réglementaire : le décret du 12 juin 2024
Face à ces risques, les pouvoirs publics ont renforcé le cadre juridique. Le décret n° 2024-539, publié le 12 juin 2024, autorise les compagnies d’assurance à appliquer des pénalités de rachat allant jusqu’à 20 % de la valeur de l’UC concernée, si le fonds sous-jacent est confronté à une situation exceptionnelle de liquidité.
Cette mesure vise à :
Préserver l’équilibre du fonds pour l’ensemble des assurés ;
Éviter un effet de “course au rachat” qui pénaliserait les épargnants restés investis ;
Renforcer la capacité des assureurs à absorber les chocs de marché ou les comportements de panique.
Loin d’être une sanction, cette disposition s’apparente à une clause de stabilité collective, permettant une gestion plus prudente des flux de souscription et de rachat dans les phases de tension.
3. Les assureurs s’organisent : gel temporaire, arbitrages encadrés
Certains assureurs n’ont pas attendu la réglementation pour adapter leurs pratiques. Generali, l’un des leaders du marché, a ainsi mis en place une période de gel de quatre ans sur les opérations d’arbitrage et de rachats partiels pour certaines unités de compte en gestion libre. Le rachat total du contrat reste autorisé, mais cette mesure impose une réflexion plus approfondie avant d’investir sur ces supports.
Derrière cette politique se cache une volonté :
D’éviter les comportements opportunistes, comme les arbitrages à contretemps ;
De sécuriser la gestion à long terme des UC, en offrant une visibilité accrue sur les flux.
Ce type d’initiative souligne l’importance d’un contrat d’assurance vie adapté au profil de l’épargnant, mais aussi d’un dialogue renforcé entre assureurs, distributeurs et clients.
4. Quelles implications pour les épargnants ?
Pour les investisseurs, ces évolutions doivent être comprises comme un changement de paradigme. L’assurance vie n’est plus uniquement un produit “liquide par défaut” : sa performance repose désormais sur des choix d’allocation plus complexes, qui impliquent d’accepter une part d’illiquidité en contrepartie d’un rendement potentiel supérieur.
Il devient donc indispensable pour l’épargnant de :
Lire attentivement les documents d’information sur les UC, notamment les clauses liées au rachat ;
Connaître son horizon de placement : un investissement sur des UC illiquides n’est pertinent que dans une logique de long terme ;
Évaluer sa tolérance au risque et à l’illiquidité, avec l’aide de son conseiller.
Les professionnels du secteur ont, de leur côté, une responsabilité accrue en matière de pédagogie, de transparence et de conseil. Une bonne compréhension du produit est aujourd’hui l’une des meilleures protections pour l’épargnant.
Conclusion : trouver l’équilibre entre rendement, transparence et stabilité
L’inclusion croissante d’actifs non cotés dans les UC reflète une ambition partagée : mieux orienter l’épargne vers l’économie réelle. Mais cette ambition ne saurait se réaliser sans une gestion fine des risques associés, au premier rang desquels figure l’illiquidité.
Les assureurs sont appelés à renforcer leur communication, à ajuster leurs mécanismes contractuels et à travailler main dans la main avec les régulateurs. Les épargnants, eux, sont invités à adopter une approche plus éclairée et active de leur assurance vie, en tenant compte de cette nouvelle donne.
En somme, la transformation en cours constitue une opportunité pour réconcilier rendement durable, épargne responsable et protection des assurés à condition que chaque acteur prenne pleinement la mesure de ses responsabilités.
🔗 Pour aller plus loin : Revue Banque – Les assureurs vie face au risque d’illiquidité des UC

Comments